jeudi 16 juin 2016

Communiqué de presse

Vernissage le jeudi 15 septembre à partir de 17h

L'invention du film instantané Polaroïd par Edwin H. Land, assisté d'Ansel Adams fut longue et complexe. Après une décennie de recherche, ce n'est qu'en 1947 que sort le premier Camera Land. Le but commercial est de faire concurrence à Kodak, chef de file de l'instantanéité, et à son célèbre slogan : « You press the button. We do the rest »

C'est surtout sous sa forme amateur, le célèbre, populaire et familial format carré SX-70, que dès les années 1970, les photographes vont s'approprier ce support, tandis que d'autres, recourant au film 665 par exemple, n'hésitent pas à décoller ou gratter la gélatine, à écrire sur l'image.

A l'ère de la multiplication des supports dématérialisés et des applications copiant les effets du Polaroïd, ce dernier connaît depuis quelques années un fort regain d'intérêt qui fait plus que jamais écho à cette phrase de Jean Baudrillard : « Telle est aussi l'extase du Polaroïd : tenir presque simultanément l'objet et son image [...] La photo Polaroïd est comme une pellicule extatique tombée de l'objet réel. » (
Amérique, 1986)
 

Les photographes Driss Aroussi, Bruno Debon, Xavier Martel, Karine Maussière, Yannick Vigouroux présentés à la galerie Satellite, en contrepoint de l'exposition personnelle d'Hideo Tobita, qui recourt justement à ce procédé, explorent chacun à leur manière les formidables ressources créatives des films à développement instantané.




une exposition de la galerie Satellite
carte blanche à Yannick Vigouroux
7, rue François-de-Neufchâteau, 75011 Paris
Tél : 01 43 79 80 20
 M° Voltaire / Charonne / Faidherbe
du 15 septembre au 18 octobre 2016
Ouvert du mardi au samedi / 13h30 - 19h


Driss Aroussi



Photo © Driss Aroussi
« Expiré, 2011-2012 »




Dans sa pratique Driss Aroussi fait appel à ce qui permet de reproduire le réel, et s'intéresse au processus qui fait advenir l'image, mais peut aussi l'altérer. Ces Polaroïds sont des objets résiduels, des restes chinés ici et là, sans presque aucune image qui figure le réel, tel qu'en serait la fonction primaire de la photographie. L'image instantanée n'existe que par son immédiateté technique. La série « Expiré » est le résultat chimique de la fin de la possibilité de révéler l'image. Une forme abstraite qui parfois laisse malgré tout transparaître la reproduction du réel. Les couleurs sont peu nombreuses, marquées par une époque, les craquelures dessinent des formes sur cette surface.

Parler de photographie sans en faire c'est dire et affirmer que la photographie n'est que le résultat de multiples expérimentations...
   


Né en 1979, diplômé de l'école supérieure d'art d'Aix-en-Provence en 2007, Driss Aroussi est artiste-bricoleur.

Bruno Debon







Photo © Bruno Debon 
« Sans titre, c. 1993 »





Pour Bruno Debon, faire du Polaroïd c’est comme prendre un cahier pour y griffonner des notes intimes. Il ne considère pas qu’il fait œuvre et développe une approche « cheap » : il aime le côté immédiat d’une photo gadget sans prétention, avec ses accidents, ses surprises (il y a presque un côté « gag »)... Il a débuté cette pratique alors qu’elle commençait à être dépassée (d’où l’usage fréquent de films périmés). C’est une image qu’il pouvait aussi offrir facilement aux modèles rencontrés dans la rue : un petit cadeau personnel et sans prétention. Depuis l’apparition des smartphones qui offrent la même immédiateté, Bruno Debon ne pratique plus le Polaroïd.


Né en 1965, diplômé de l'ENSP (Arles), Bruno Debon poursuit une double carrière de paysan-photographe.

Xavier Martel



Photo © Xavier Martel
« 2013 06 xx Sanda Japon - "in the night kitchen" »



Xavier Martel considère la photographie amateur - de laquelle il se revendique ˗ avec un profond respect. Se décrivant volontiers comme un voyageur du quotidien, perpétuellement à la recherche d'une vacance, état qu'il considère nécessaire à la prise de vue, il enregistre des moments épars qui jalonnent sa déambulation... peu de concept, un projet minimum, voir.




Né en 1969, diplômé de l'ENSP (Arles), historien d'art, Xavier Martel, vit et travaille au Japon.

Karine Maussière




Photo © Karine Maussière
« Hyperborée - Col Pers 3009m, 2015 »


L'horizon me lie au monde et à autrui en un bleu qui se mire… 
Cette série présente des paysages qui n’existent pas.
Ici le paysage n’existe que dans l’image créée par le polyptyque. Ce sont des paysages composés, dans un souci de « recréation esthétique du monde »
« J’écris comme on marche – à l’aveuglette, même en plein jour / Comme on va devant soi, sans songer même à marcher » André Du Bouchet, Carnets.
Marcher, marcher pour s’imprégner du paysage. Et l'horizon à perte de vue. Ligne subliminale, au calme intangible, parfois limite enveloppante, parfois abîme vertigineux. « Tout horizon est fabuleux », écrit Michel Collot car derrière l'horizon le monde continue… 
Karine Maussière photographie l’horizon en marchant. La photographie opère une réduction du monde en même temps qu’elle l’amplifie, elle déplace le sujet vers un ailleurs. La marche, quant à elle, invite au découpage, le rythme créant des intervalles entre les images. Ces écarts, espaces blancs, entre, sont un temps suspendu, une fraction du déplacement. 
Les images prises à différents endroits, sont ensuite assemblées / associées / raccordées entre elles et recomposent un paysage. Je fabule ainsi, un paysage. Peut-être est-ce une façon de « s'offrir une échappée, se permettre un peu de vibrato ». (cf François Jullien).
Du triptyque au polyptyque... Étirer, étendre, le paysage, révéler sa graphie et faire apparaître des lignes discontinues. Proposer un polyptyque c’est offrir le reflet d’un déplacement, un geste comme un déploiement linéaire de sa composition. C’est « augmenter le temps et proposer plusieurs points de vues. »
L’utilisation du Polaroid accentue l’impermanence du sujet en conférant aux images une existence et une présence évanescente. Tout en interrogeant la dialectique apparition / disparition de l’image, les imperfections du procédé renforcent cette idée et révèlent une œuvre graphique. 


Née en 1971, diplômée des Beaux Arts de Marseille, Karine Maussière se consacre à la photographie de paysage et de friches urbaines, ces espaces concrets qui hébergent l’imaginaire.

Yannick Vigouroux



Photo © Yannick Vigouroux
« San Francisco, Galice, 30 mai 2016 »





Le procédé Polaroïd accompagne ma pratique photographique depuis mes débuts, d’abord comme une pratique « parallèle ». L’idée était au début de « doubler » systématiquement mes prises de vue de manière plus onirique. J’éprouvais très fortement ce besoin. Le Polaroïd était un peu le petit frère intimiste, témoin secret et mystérieux de mes essais artistiques : une sauvegarde en terrain familier et subjectif.

Puis ce procédé est devenu au milieu des années 1990 une fin en soi. J’ai alors cédé, comme tant d’autres, à la mode de l’agrandissement.

Aujourd’hui, le Polaroïd est toujours, et plus que jamais, une fin en soi, grâce au film japonais Fuji Instax Wide qui peut au premier abord déconcerter le regard habitué aux effets« vintage » actuellement à la mode dans le film Impossible (aux tons souvent sépias) et les filtres numériques proposés par exemple par Instagram : au lieu d’être floue l’image est piquée, les tons sont résolument réalistes.

J’aime exposer ces miniatures – principalement des bords de mer, mon sujet privilégié – sous la forme de « constellations » fixées au mur sans cadre, variées et ondulantes, saturées de lumière, comme une accumulation de nuages dans le ciel.

Yannick Vigouroux, juin 2016



Né en 1970, diplômé de l'ENSP (Arles), Yannick Vigouroux vit et travaille à Paris.
Critique d'art et historien de la photographie, commissaire d'expositions, il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la photographie.